Armel Tripon, un globe en tête

Marié et père de trois garçons, Nantais pur jus, même si son port d’attache est dans le Morbihan à La Trinité-sur-mer, Armel Tripon n’est pas du sérail. Personne d’autre que lui dans sa famille n’est navigateur. La passion l’a surpris par une nuit étoilée, quand des copains de lycée l’embarquent à bord d’un petit voilier en baie de Quiberon. "C’était magique, j’ai tout de suite su que c’était ce que je voulais faire, que ma vie était là, sur l’eau", raconte-t-il. Armel passera par l’inévitable école de voile des Glénans. Il s’y formera puis passera éducateur à son tour. Il y sera notamment moniteur d’autres coureurs au large connus aujourd’hui, puis préparateur technique en Figaro.

Le "miraculé"

La compétition, il l’aborde logiquement comme la plupart des aventuriers des mers : via le Mini. Une coque de noix de 6,50 m ! Armel s’y frotte une première fois en 2001, mais c’est en 2003 qu’arrive la consécration. A Salvador de Bahia, cette année-là, les journaux titrent sur "le miraculé"...car une poignée d’heures avant l’arrivée, la coque de son frêle voilier a été abordée par un cargo !
"Miraculé" mais grand vainqueur de la mythique transatlantique, Armel Tripon va s’appuyer sur cette grande performance pour intégrer quelques années plus tard la très exigeante Classe Figaro Bénéteau. C’est l’heure du professionnalisme, de l’apprentissage du très haut niveau. Pendant sept saisons, il décrochera quelques podiums et bons résultats et traversera l’Atlantique au moins une fois par an, en solitaire ou en double. La taille du bateau n’est plus la même (10 mètres) et la monotypie exige beaucoup de rigueur et de méthode : quand tous les concurrents ont le même bateau et que le niveau est au plus haut, il faut se surpasser...

Qu’il y a-t-il derrière l’horizon ?
Irais-je un jour plus loin ?
Qu’irais-je y chercher ?
Serais-je à la hauteur ?
Aurais-je peur ?

Armel TRIPON

Un bosseur

Déterminé et bosseur, le marin nantais s’essaye ensuite au Class40 avant de passer à l’IMOCA, la catégorie reine des monocoques, pour décrocher en 2014 une magnifique quatrième place sur la prestigieuse Route du Rhum. Mini 6.50, Figaro, Class40, IMOCA... de 6,50m à 18,28m, Armel a bouclé la boucle des monocoques océaniques de compétition. Son intérêt se porte alors logiquement vers les bateaux à plusieurs coques, ces trimarans si rapides et si spectaculaires, véritables machines à créer du vent.

C’est à bord d’un Multi50 (trimaran de 15m) qu’Armel remportera en 2018 la Route du Rhum. Une consécration pour ce marin accompli que le large et la compétition habitent. A 45 ans, le skipper nantais est désormais à la tête de l’Imoca L’Occitane en Provence, bateau neuf au dessin audacieux avec lequel il se prépare à affronter l’Everest des mers : le Vendée Globe.

Seul à plusieurs

"Je suis intimement convaincu que tu ne peux pas aborder la compétition seul ; c’est trop dur, trop de questions, trop de doutes. Il faut échanger et le faire avec la bonne personne. Myriam, ma femme, a été ma première coach ! Quand je doutais au début elle me disait « ne cède pas sur ton désir ». Et j’ai tenu! Puis il y a eu Ronan et ça a été énorme parce que des mecs capables d’un tel engagement il n’y en a pas dix comme ça. Alors la vie est belle non ?"

De l'usage du monde

"Je suis tombé amoureux de L’usage du monde de Nicolas Bouvier à 20 ans. À cet âge ou tu veux découvrir le monde ou tu as soif d’aventures et de rencontres. Ce livre est un chef d’oeuvre poétique, cet homme est brillant et observe tellement justement les choses, chaque page pétille d’intelligence. Et c’est aussi un conteur merveilleux. Il y a une telle humanité dans ce livre. C’est là toute la force du livre, son écriture ; sinon ça serait un simple récit de voyage mais là, non."

Spinoza et moi

"Spinoza a posé les bases d’une vie de sage ou préside la modération, et au fond c’est ça la compétition : tu dois être vigilant sur tout, tous les jours et tenir dans la durée. C’est sans doute ça le plus dur. C’est le travail d’une vie. La gestion des émotions, le non-jugement des autres... ce sont des notions très fortes, qui sont très liées au travail qu’on mène en méditation par exemple. Se concentrer sur toi et toi seul, sans jugement, sans attente de rien du tout..."

Nourritures terrestres

"J’ai un réel besoin de me nourrir de belles choses. Je le ressens, c’est ma vie : je dois lire, voir, écouter, découvrir des choses, des oeuvres, des paysages, des personnes qui me nourrissent, m’apaisent, me transportent. C’est ma part de rêve, je me suis construit en rêvant et je l’alimente sans cesse. J’aime apprendre, progresser, découvrir aussi parce-que la compétition te remet sans cesse en question, c’est fabuleux de ne jamais ronronner".
Mis à jour le 05 novembre 2020.
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